L’Empire Du Léopard.

L’auteur

13895342_10210128495079971_612582863853001106_nEmmanuel Chastellière est le cofondateur et rédacteur du site http:/www.elbakinnet/ une référence sur le web français. Traducteur de métier, il se lance dans une carrière d’écrivain en 2016 avec la sortie du roman Le Village . Il s’attaque ensuite au steampunk, il revisite la révolution Russe avec Celestopol cité lunaire se dressant contre l’autorité du tsar. Cette année 2 nouveaux romans, en Mars paraît Poussière fantôme, de l’urban fantasy, une histoire se déroulant dans le contexte du Montréal du début du siècle, truffés de zombie…

Avec l’Empire du léopard l’auteur s’attaque à une époque très peu exploitée par la Fantasy en général, la colonisation! L’Empire léopard mélange subtilement genre et époque. Bien que se déroulant dans une période historique et technologique plus proche du Farwest le scénario fait plus penser à la conquête du nouveau Monde par les Espagnols.

 

Thèmes abordés

La colonisation tout d’abord. La façon dont il y décrit le processus colonial est à la fois très bien détaillé, on y à la fois de nombreuses références historiques aux peuples indigènes du nouveau mondent Inca Aztèque et les Indiens des plaines. Et des éléments faisant référence à la conquête de l’ouest, la construction du chemin de fer, les villes frontières, la fièvre de l’or, les renégats, l’absence totale d’autorité dans certaines régions qui n’ont pas encore étaient dominées par le contrôle étatique. Des groupes religieux qui sillonnent de vastes étendues faisant à la fois penser aux mormons ou aux moines franciscains. Aussi contestation de l’autorité royale.

Le racisme occupe une place importante dans le livre. L’auteur se réfère au système colonial Espagnol en partie. Avec les travaux forcés subis notamment par les indigènes dans les mines, et au sort des Indiens d’Amérique au moment de la conquête de l’ouest. De par la présence dans les armées des colonisateurs d’éclaireurs indigènes, considérés comme des traîtres par bon nombre de leurs semblables, moqués par les soldats de leur régiment et suscitant de même une aversion généralisée de la part des colons.

Philanthropie oui!  tous les colons ne sont pas des Philip Sheridan dans le livre. L’auteur fait référence aux défenseurs des conditions de vie des indigènes dans le livre. Certains personnages prenant la défense des indigènes, à la manière du prêtre dominicain Bartolome de las casas. Il aborde de même les relations amoureuses et le métissage qui se créèrent naturellement à l’époque.

Lascasas1-58b89c1e3df78c353cc7e868

Buenaventura José Guiol - De español e india, nace mestiza c.1770-1780

 

 

 

 

 

 

Les grands bouleversements liés à la modernité trouvent une place de premier ordre, le progrès technologique en premier lieu, l’apparition des chemins de fer, la létalité grandissante des armes à feu, mais aussi la baisse de l’influence de la religion et des vieilles croyances décrédibilisées progressivement par la science.

 

trappeur

Le rejet de la modernité provoqué par ces changements. Renvoyant encore une fois à l’histoire du Farwest, il met en scène le cas de certains colons fuyant la « civilisation » pour partir vivre de façon nomade à la manière des indigènes. Certains s’indianisant complètement, un phénomène qui a concerné des milliers d’Européens au moment de la conquête du nouveau monde.

 

gif vegan

La protection de l’environnement, j’ai même cru lire une allusion au véganisme! Qui était plutôt bien amenée.

 

 

Les questions de genre point de vue très subjectif mais je pense qu’elles sont abordées un peu grossièrement dans le livre, et d’après moi un Roman de fantaisie peu très bien s’en passer.


L’univers

Le contexte historique est un élément central du roman, une date est même donnée 1870. La modernité commence à toucher ce nouveau Monde ingrat et aride, l’armement se modernise, les chemins de fer se développent, la religion et les croyances anciennes sont remises en question par les découvertes scientifiques. Le choix de l’époque est vraiment un plus pour moi, la révolution industrielle et la colonisation sont assez peu souvent abordées en Fantasy. Même si cela change surtout chez les anglos-saxons avec le renouveau du steampunk Fantasy, et l’apparition du Gunpower Fantasy. Avec des auteurs comme Django Wexler et sa série de Thousands name et The Goblin Emperor de Katherine Addison.

 

d’ailleurs L’Empire léopard se situe un peu entre ces deux genres, le progrès technologique est déjà perceptible mais il reste encore très récent.

Du côté Français on a en Steam punk Bans et Barricade de Clément Bouhélier publié chez Critic, par contre pour citer un bon Gunpower Fantasy francophone avec en plus un décor colonial je dois avouer que je ne pourrais en citer un seul.

Le choix d’Emmanuel Chastellière est donc novateur, cela a le mérite d’être salué, cependant je m’attendais à plus d’originalité quant à la technologie présente dans le livre. Les trains, les armes et armures, et autres technologies n’ont aucune originalité particulière, on a un peu l’impression parfois de lire un roman historique et c’est bien dommage.

Le rôle de la magie et de l’alchimie dans l’univers.

Liées au destin de la religion dans la plupart des sociétés modernes, elles sont les allégories d’une époque révolue. La magie des indigènes, ne se résumerait plus qu’à de vagues histoires de fées sans fondement, qui fait rire à Gorge déployée les miliciens.

Les indigènes eux-mêmes perdent foi en leurs croyances, constatant que celles-ci n’ont pas pu stopper les nouveaux arrivants.L’alchimie l’équivalente de la magie pour les colons, n’est guère mieux considérée. Une pratique d’une autre époque rendue obsolète par les progrès technologiques (les mauvaises langues iront jusqu’à dire qu’elle n’a jamais eu aucune utilité), elle n’a plus qu’un pouvoir symbolique dans ce monde qui ne lui accorde que peu de crédit.

Dans les deux camps certains essayent toutefois de sauver ces deux arts, mais ils sont peu écouté ou bien considéré comme des fous. Cependant cette tendance pourrait bien s’inverser…


Le monde

L’auteur ne se contente pas de faire un vulgaire copié collé de l’époque coloniale de la fin du XIXe. Nous retrouvons comme évoqué dans l’introduction, les éléments classiques du processus colonial, qui sont très bien retranscrits dans le roman, Emmanuel Chastelière modifie avec brio le contexte colonial de notre monde. Il nous offre un mélange entre la colonisation Espagnole du nouveau Monde en truffant le récit d’allusions aux cultures Inca, Aztèques, la légende de l’Eldorado et de royaumes perdus. Avec de nombreux éléments faisant penser à la conquête de l’ouest, les villes frontières, la ruée vers l’or, les renégats, les milices, la résistance indigène et une description de la frontière.

 

Tout en proposant dans son scénario une relecture remarquable et passionnante de cette période. Intéressons-nous plus en profondeur à cela avec la présentation des différents camps en présence dans le livre:

Le Coronado: Situé sur un autre continent que celui du scénario, administré par le Roi Phillipe, c’est une puissance coloniale. Riche et prospère, à l’inverse de sa colonie.

Le Nouveau Coronado qui peine à s’établir dans la péninsule de la lune d’or. Aucun métal précieux à l’horizon, pas non plus de terres fertiles où faire prospérer une agriculture utile à la colonie ou à la métropole. Les terres sur lesquelles sont établies les colons sont pauvres. Elles ne laissent pousser que quelques pauvres champs de maïs et de blés, les mauvaises herbes et Cactus y sont plus nombreux. Les ressources minières sont elles aussi complètement absentes, vous vous attendiez à croiser des mines dignes des gisements mexicains ou andains au fil des pages? Préparez-vous plutôt à une description pathétique de villes frontières abandonnées, les colons ayant perdu toute espoir de retour sur investissement.

shutterstock-519356731

 

Blog_20170504_Gonzalo_5Mayo-600x400-n81fqleo3vi85ktblxc4kjvw2gnqrtiiibilp4478gIl n’y aura probablement pas de ruée vers l’or n’y d’Eldorado. Des rumeurs oui il y en a, mais bon métropole, et colons semblent avoir fait le deuil de ces légendes. Légendes qui selon les rumeurs seraient diffusées par les puissances coloniales rivales du Coronado, pour empiéter le Royaume dans une vaine aventure coloniale. Encore plus hasardeuse que l’expédition française du Mexique.

 

Le Nouveau Coronado et donc un gouffre financier pour sa métropole, qui commence à s’agacer, les ravitaillements se font de plus en plus rares, les impôts et divers taxes sont la seule chose qui semble fleurir au Nouveau Coronado avec les révoltes des indigènes et les raids de pillards à ses frontières. Les difficultés du Nouveau Coronado entraînent sans surprise une vague de mécontentement contre la métropole. Comment réagira la métropole face à cette colonie insatisfaite qui s’apparente plus à un boulet qu’à une manne.

La capitale Carthagène est une modeste cité sans charme établi à proximité de la côte. Le reste de la population du Nouveau Coronado occupe les rares terres où il est possible de faire pousser 2 haricots et 3 tomates. Ou bien travaillent sur les chantiers de chemin de fer pour relier les bourgades qui se vident progressivement du fait du manque de ressources.

Les indépendants

Bandits, rebelles, vagabonds mais aussi mercenaires trouvent leur place tant bien que mal au Nouveau Coronado. Ils pillent ou errent parmi les établissements de la colonie. Le mercenariat est l’une des seules professions qui semble avoir de l’avenir dans ces contrées, où les milices et armées officielles sont de plus en plus rares. Le désir d’indépendance grandissant du Nouveau Coronado, agité notamment par les quelques riches propriétaires terriens pourraient bien donner des idées de grandeur à un Simón Bolívar local.

Les indigènes

Victimes de racisme, cantonnés en bas de l’échelle sociale, contraints aux travaux forcés sur les chantiers sans fin de la colonie, même en cette période s’approchant du XXe siècle où l’esclavage a été théoriquement aboli. À les enfants abandonnés condamnés à mendier par dizaines dans les rues des rares villes du Nouveau Coronado, quémandant les rares ressources des colons. Leur situation est misérable depuis des millénaires sur ces terres déjà pauvres, l’arrivée des colons est un nouveau coup du sort pour ces piteuses peuplades. Dont le seul moyen de subsistance à peu près décent est de s’engager comme éclaireurs avec les armées et milices coloniales, récolter quelques pièces et les brimades elles beaucoup plus fréquentes de leurs « compagnons » venus de l’autre côté de l’océan.

 

Toutefois un mystérieux royaume attire l’attention sur la péninsule. L’Empire du léopard, les derniers indigènes indépendants de la péninsule de la lune d’or. Perdue parmi les montagnes et la jungle, la brochette habituelle de légendes fleurie autour de ce Royaume. La mythique cité de Tichgu abriterait d’immenses richesses. Le dernier espoir du Nouveau Coronado pour résorber les dettes accumulées par la mère-patrie pour maintenir tant bien que mal la colonie? Peu de personnes semblent y croire, cependant cela devient l’unique raison du faible soutient du Coronado à son protégé.

962921-bigthumbnail


Le style

C’est mon premier roman d’Emmanuel Chastellière et son style m’a plu. Très descriptif, il prend son temps pour: développer ses personnages, et créer un monde changeant et cohérent que l’on découvre doucement mais sûrement à travers ces 600 pages. Les protagonistes sont bien élaborés ici, n’y tout blanc n’y tout noir ils s’accordent bien au scénario et à l’univers. Chacun à sa part d’ombre ce qui rend le récit haletant. Ils sont également divers, on ne se cantonne pas aux classiques bons, mauvais, renégats. L’auteur puise dans l’histoire de la colonisation des Amériques pour élaborer des personnalités nouvelles pour son univers. La philanthropie par exemple..

On retrouve ce côté descriptif avec les décors variés du roman, villes, paysages, donnent de la cohésion au scénario.

Les batailles sont de même très cool là encore on ressent les inspirations historiques de l’auteur outre les fusils, mousquets macuahuitl on a des lanceurs de feu griégois. Il aime mélanger les époques, et ça marche !

 

Le seul bémol à la plume de Chastellière selon moi, est qu’il s’attarde parfois sur des éléments secondaires voire de troisième plan. Ce qui rallonge de mon point de vue inutilement le déroulement des événements. Par exemple certaines relations charnelles développées ici ont peu d’intérêt, et empiètent sur d’autres personnages qui auraient mérités d’être creusés un peu plus.


Le scénario

Le point fort du livre d’après moi. Divisés de façon assez classique en quatre parties, les événements commencent doucement, la première partie plante les décors et sert d’introduction de façon peut-être un poil trop long. Je dois même avouer avoir craint de trouver le livre un peu trop long à mon goût. Néanmoins la trame s’accélère tout d’un coup dans les ultimes pages de cette partie, et lance réellement le roman.

La seconde partie à un côté expédition militaire, faisant penser à un mélange entre l’arrivée des conquistadors espagnols au Mexique, et à une campagne militaire de la Guerre de Sécession. On retrouve à la fois des mercenaires attirés par la soif de richesses, et des soldats du régime qui sont engagés bien souvent malgré eux dans une expédition vaine. L’auteur prend bien le temps de décrire la vie quotidienne des soldats, et de développer les personnalités des différents protagonistes. C’est franchement réussi, Emmanuel Chastellière à un talent pour retranscrire l’ambiance, et les paysages de ses scénarios. Je me suis vraiment senti immergé dans l’histoire au cours de ses pages.

bd21d0babae317d5acd83cc733ff3c99

La troisième partie du roman fait très choc des civilisations, l’auteur revisite la rencontre entre les conquistadors et les locaux en prenant comme référence l’entrée de Hernan Cortés et ses troupes dans Tenochtitlan.

 

Cette partie est pour moi la meilleure du livre. Il ne se contente pas de retranscrire une opposition caricaturée entre envahisseur et locaux, ou bien de rester trop scotché au parallèle fiction/histoire. Il y aborde les thèmes de l’écologie, l’opposition entre le conservatisme et la volonté de réforme à travers notamment la place des femmes dans le monde politique. Dit comme ça on pourrait craindre que cela soit too much, mais c’est de mon point de vue maîtrisé. On ressent la fascination qu’éprouvèrent les Espagnols en voyant la capital Aztèque, grâce une nouvel fois aux parties descriptives réussies du roman. Pour les amateurs de bataille épique ne vous inquiétez pas les troisième et quatrième partie n’en sont pas avares !

 

godzilaa

La dernière partie va quant à elle s’attaque au sujet de la revanche de la nature sur l’homme. Cela m’a vaguement fait penser à Godzilla. Les hommes jouant les apprentis sorciers avec des forces qui les dépassent, et se retrouve châtiés durement pour leur arrogance.

 

 

 

L’auteur développe aussi dans cette partie l’affrontement entre modernité et religion, en nous montrant des affrontements comportant à la fois magie et gatling. Il faut avouer que c’est plutôt sympa, ça m’a rappelé cette scène de princesse Mononoke.

Princesse.Mononoké.French.DVDRIP

 

Le dénouement est bien amené, sans rien dévoiler du scénario on ne tombe pas dans le manichéisme primaire. Les gentils gagnent la lumière revient, et on n’a pas non plus une fin à la Star Wars Épisode III ambiance les ténèbres reviennent pour 1000 ans.


Conclusion

L’Empire du Léopard participe au renouveau de la Fantasy française, qui s’attaque comme évoqués précédemment à de nouveaux sous genres. Même si on reste en retard par rapport à certains de nos voisins Emmanuel Chastellière fait parti de cette nouvelle génération d’auteur francophone qui arrive sur ce genre très prometteur qu’est le gunmusket Fantasy.

Le livre est bon, même si il aurait pu être un poil plus court, le storybuilding et l’univers sont des réussites indéniables. Pour tout passionné d’Histoire et de Fantasy ce roman fera une lecture bien fun.

Quant à ce qui m’a le moins plu, à part ce que j’ai évoqué précédemment, l’absence d’elfes, d’orcs, de nains se fait un peu sentir plus le roman avance. Cela aurait cassé un peu la comparaison histoire/fiction sans enlever de cohérence de mon point de vue, et ajouté de l’originalité au scénario et à l’univers. Ce qui manque au livre finalement c’est peut-être plus de prises de risques dans l’élaboration de l’univers.

Le gros point fort du livre pour moi, c’est finalement la relation entre magie, politique et progrès technologique. Chaque thème à son moment fort pendant le scénario, et est bien introduit et dosé.

Espérons que ce roman soit une tête de pont pour le Gunmusket français. Un petit bouquin se déroulant dans un univers fantastique inspiré de la guerre de sept ans, ou bien de l’épopée Napoléonienne serait une bonne idée pour 2019!

4 commentaires sur “L’Empire Du Léopard.

Ajouter un commentaire

    1. Oui la rencontre et l’affrontement Empire vs Nouveau Coronado était vraiment excellente! J’ai adoré le personnage de la princesse de l’Empire, je crois que c’est mon perso préférée de l’histoire!

      Aimé par 2 personnes

    2. Bonjour,

      Merci pour la lecture alors ! 🙂
      Personnellement, je tenais à un premier tiers « posé » pour que l’on prenne bien conscience du poids et des tiraillements (politiques, sociaux, »intimes »…) nés du contexte. 🙂

      J’aime

Laisser un commentaire

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer